« Noé » sur la scène du théâtre La gare du midi à Biarritz, un ballet chorégraphié par Thierry Malandain de la compagnie malandain ballet biarritz est une visualisation surprenante de ce mythe qui a traversé les âges dans un déluge de pas effervescents.
Qui ne connaît pas Noé et son récit dans la Bible, dans la Genèse, de son déluge. L’Alpha et l’Oméga de l’humanité, avec à la clé en ouverture le combat fatidique entre Caïn et Abel, fils d’Adam et Eve, que l’on retrouvera à la conclusion de ce ballet avec cependant une note d’espoir dans le renouveau de la nature, tout en y incluant leur troisième fils Seth, signe d’une nouvelle civilisation.
Un combat mené tambour battant par Noé Ballot et Julien Rodriguez Flores aux passes destructrices d’une jalousie à fleur de peau dans un mélange de pas et de portés glorifiant dans leurs sacrifices cet acte barbare, maculé de sang, déclenchant la fureur de Dieu par son déluge.
Mais Noé, interprété tout en force animale à la sensualité ravageuse par Mickaël Conte, se doit de préparer la construction de son Arche pour un renouveau de cette humanité partie sur de mauvaises bases. Un renouveau que certains dans notre actualité brûlante voient comme une porte de sortie à ce marasme qui nous enlise quotidiennement.
Un mélange de positif et de négatif dans lesquels le Ying et le Yang se confondent dans l’Alpha et l’Oméga subjugués par son épouse Emzara sous les traits délicats d’Irma Hoffren.
Un ballet à l’inventivité époustouflante chorégraphié par Thierry Malandain qui ne cesse de nous étonner, de nous surprendre, par son sens aigu d’une créativité qui paraît sans limite.
Un ballet qui s’est emparé comme support du magnifique Messa di Gloria de Gioacchino Rossini, où chaque pas, chaque porté, chaque pas de deux, épousent, sur le fil du rasoir, les notes de cette envoûtante partition de Rossini laissant par les solistes transpirer toute l’ardeur des Kyrie, Gloria ou autre Sanctus mis en mouvement par Thierry Malandain.
Sur un plateau nu bordé par des rideaux aux perles étincelantes d’un bleu turquoise symbolisant par leur montée le déluge de ces eaux qui en recouvrant la terre serviront de punition d’un dieu en colère pour dans leur descente laisser apparaître un espoir de renouveau. Un décor lumineux de Jorge Gallardo, qui signe également les élégants costumes de ce mythe devenu réalité, éclairé finement par les lumières de Francis Mannaert.
Des vagues successives emportent le spectateur dans une élégance d’expressions corporelles toutes plus remarquables les unes que les autres, dans une exécution parfaite par ces vingt-deux danseurs qui composent ce ballet.
Un enchantement pour les yeux et les oreilles, auquel nous assistons interloqués par tant de grâce où les efforts des heures de répétitions de ces danseurs pleinement investis dans la fusion de leur virtuosité s’effacent tout en douceur dans un naturel désarmant.
L’apparition en milieu de ballet d’Adam et Eve dans une légèreté d’exécution à la symbolique dépoussiérante de sentiments revivifiants, nous transporte dans un voyage à la poésie frivole. Hugo Layer qui ne cessera de m’impressionner par tant de gracilité féline dans le rôle d’Adam et Patricia Velazquez à l’agilité féérique d’un oiseau aux fragiles ailes transmettent par leurs pas de deux toute l’émotion de ce couple pris au désarroi de ce combat mortel transcendé par une union à la fertilité certaine.
Mais aussi après ce déluge où le corbeau et la colombe furent les envoyés de Noé pour vérifier l’état de la terre interprétés majestueusement par Guillaume Lillo et Claire Lonchampt.
Tous les qualificatifs seraient superflus pour définir ce ballet qui déclencha une ovation debout spontanée. Thierry Malandain a encore un fois rempli son contrat pour notre plus grand plaisir, celui d’assister dans un style néoclassique d’une pureté brillante de mille feux à ce déluge de talents d’une éblouissante jeunesse à l’expression chorale raffinée.
Une distribution au déluge réjouissant complétée par : Loan Frantz, Raphaël Canet, Ismaël Turel Yague, Jeshua Costa, Guiditta Banchetti, Julie Bruneau, Clémence Chevillotte, Marta Otano Alonso, Alessia Peschiulli, Alejandro Sánchez Bretonnes, Yui Uwaha, Allegra Vianello, Laurine Viel et Léo Wanner.
« Noé » sur la scène du théâtre La gare du midi à Biarritz, le 14 mai 2023.
Prochaines représentations les : 18, 19 et 20 mai à la Victoria Eugenia à San Sébastian.