24 heures de la vie d’une femme

 

« 24 heures de la vie d’une femme » de Stephan Zweig, dans une adaptation collégiale de Marie Guyonnet et Jean Pennec qui en assure la mise en scène au théâtre Le Colisée à Biarritz, est une histoire d’une passion amoureuse mais éphémère.

 

Stephen Zweig, autrichien né en 1881, fait partie de l’intelligentsia juive viennoise. Il est  l’ami entre autres de Sigmund Freud dont il lui formulera sa gratitude et Richard Strauss. Il quitte son pays, devant la montée du nazisme qu’il constate grandissante, pour s’exiler à Londres. Il se fait naturaliser britannique puis s’installe au Brésil, avec un passage par les Etats Unis, où il y passera les dernières années de sa vie avant de suicider à l’âge de 60 ans.
Comment ne pas y voir une relation avec cette nouvelle que nous allons vivre ce soir, bien qu’elle fut écrite en 1927 et qu’il décéda en 1942.

Tel un papillon éphémère qui déploie toute sa magnificence dans un laps de temps compté,  Marie Guyonnet pleinement investie dans son conte, en restitue toute la finesse du texte, comme celle d’un bonbon qu’elle dégusterait lentement pour achever le plaisir de se confondre dans l’histoire rocambolesque qu’elle nous narre sur un chemin sinueux, rempli d’écueils, de 24 heures seulement.

Dans une mise en scène de Jean Pennec qui se concentre sur l’essentiel, en plaçant Marie Guyonnet sur un plateau quasiment nu, imaginé par Véronique Belmont, laissant le spectateur créer son univers au travers d’une chaise où reposent un manteau de couleur claire ainsi qu’une paire de souliers assortis, complété par un lampadaire qui ressemble à une servante chapeautée, il laisse l’interprète correspondre avec le public qui devient son confident, où chacun d’entre nous sera le jeune homme, à la moralité douteuse, dont elle tombe amoureuse : un coup de foudre. Une partie de ping-pong commence…à nous de renvoyer la balle pour que vive cette histoire.

D’un pas feutré dans un silence d’équilibriste, elle fait son apparition dans un jeu de lumières à la tonalité réservée d’Antoine Longère puis s’adresse à nous, où dans cette mise en scène nous sommes à la fois l’accusé et le témoin, pour à la fin, sur un pas hésitant, nous dire merci de l’avoir écoutée.

Dans un phrasé impeccable assorti d’une voix douce et volontaire, nous sommes témoins de la lumière qui se dégage de son jeu, finement vécu, pour mieux nous captiver tels des animaux hypnotisés par celle-ci.

L’action se situe sur la Riviera où son casino aura sa place d’honneur. Faisant fi dans cette adaptation de la première partie de la nouvelle, dans laquelle la description du jeune homme est exhaustive, nous sommes tout de suite plongés dans le cœur de l’action.

Notre « héroïne » provoque un scandale en abandonnant mari et enfants, mais des enfants qui peuvent survivre seuls par leurs âges avancés, un scandale pour s’être éprise d’un jeune homme qu’elle vient juste de rencontrer, ne sachant rien de lui et se moquant éperdument des conséquences engendrées par son acte : elle est amoureuse et cela lui fait du bien, elle revit.

Après le décès de son mari, au fil de ses voyages, attirée comme un aimant, elle rejoint cette Riviera pour se diriger vers le casino, fruit de tous les dangers, pour certains un lieu de perdition.
Il est là, ses mains posées sur le plateau de la table de la roulette, qui somme toute pourraient être le reflet de son état d’esprit, mais elle ne voit qu’elles, elle est subjuguée, bouleversée, par cette fraîcheur qui la ragaillardie.
« Jamais encore je n’avais vu un visage dans lequel la passion jaillissait tellement à découvert, si bestiale, dans sa nudité effrontée… »

Comme on pouvait le deviner, il perd tout. Abattu il quitte le casino, dans son attitude elle craint le pire. Elle veut le sauver avant qu’il commette l’irréparable, l’argent étant secondaire à ses yeux, seule sa vie compte. Elle y voit une fièvre qui le saisit sans pouvoir le détourner de sa passion dévorante qui lui sera fatale. Comment pouvoir se résoudre à aimer ce jeune homme qui la voit non pas comme une maîtresse potentielle mais une figure maternelle, dans cette chambre d’hôtel où la nuit n’a pas porté conseil ?

Nous vivons au fil de son histoire, dans une description ciselée, tout ce qu’elle peut ressentir, ses regrets, son désarroi, vivre les émotions qui la conduisent inexorablement dans une passion dévorante à l’issue inachevée.

Marie Guyonnet, tel l’archet d’un violon, glisse habilement, délicatement sur les cordes de l’amour dans lesquelles nous y voyons une progression de ses sentiments, mais pour aussi s’y brûler les ailes. Elle joue une palette de sentiments humains qui nous émeuvent, nous donne des frissons jusqu’au bout des doigts.

Ce tableau qui se dessine devant nous, spectateurs investis d’une mission, ne pourrait se réaliser sans le support de la musique magnétique de Fred Bertuglia.

Une belle aventure qui se termine puisque demain, le 29 avril, Marie Guyonnet interprétera pour la dernière fois ce rôle où elle s’est tant investie depuis son passage à Avignon en 2016.
Souhaitons qu’elle nous fasse encore rêver avec sa présence palpitante : un livre se referme, un autre s’ouvre…

 

« 24 heures de la vie d’une femme », le 28 avril, organisée par Les amis du Théâtre au théâtre Le Colisée à Biarritz.

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