Glenn – naissance d’un prodige (Biarritz)

 

« Glenn – naissance d’un prodige » de et mise en scène par Ivan Calbérac sur la scène du théâtre La gare du midi de Biarritz, un évènement Entractes Organisations est une comédie « biographique », non dépourvue d’humour, sur un musicien hors du temps, inclassable.

 

Quelle belle histoire, finement mise en lumière par Ivan Calbérac, à laquelle il nous est donné d’assister tout comme celle qui, aujourd’hui, nous ravit sur les écrans avec « Boléro » de Anne Fontaine.
Deux génies de la musique qui ont, chacun dans le mystère de leur vie, dans leurs légendes, marqué le siècle dernier : l’un avec ses « Variations Goldberg » et l’autre avec son « Boléro ». Deux destins aux multiples rebondissements qui nous enveloppent dans un manteau d’une vie difficile à vivre. Ils auront payé de leur vie pour que leurs virtuosités restent gravées dans nos mémoires.

Pour en revenir à ce musicien qui ce soir nous a ensorcelés : qui ne connaît pas Glenn Gould, ce pianiste jouant la tête sur son clavier avec sa chaise aux pieds coupés (qui ne le quitte pas pour tous ses concerts).
Un pianiste qui vit tellement sa musique qu’il se permet de parler pendant qu’il joue, à tel point que sur certains enregistrements on entend le son de sa voix.
Lui qui joue avec son cœur et non pas avec ses doigts, pour avoir le rythme adéquat, constamment à la recherche de la note qui n’aurait pas été jouée.

Baigné dans une famille où la musique tient une bonne place avec notamment une mère pianiste, professeur de chant, frustrée, et surtout étouffante à ses heures portant sur son fils les espoirs qu’elle n’a pas pu concrétiser.

Un Glenn Gould, un être vivant, qui ne peut maîtriser sa vie, sa mère contrôlant tout.
Même quand on essaye de lui faire comprendre, c’est le cas pour sa cousine Jessie qui vivra un amour, déçu, refoulé, c’est le drame assuré…une hypocondrie balayant tout sur son passage.
Alors il ne faut pas s’étonner que sa vie amoureuse, privée, fût un fiasco : à qui la faute ?

Un jeune prodige à l’oreille absolue qui dès l’âge de deux ans et demi porta ses mains sur le clavier pour ne plus le quitter. Seules les notes ont grâce à ses yeux, considérant que les mots, c’est la meilleure façon de ne pas se comprendre. C’est pourquoi il vouait une telle complicité à son chien Nicky, certainement le seul être vivant à qui il porta un amour inconditionnel.
Lui qui aime la solitude mais qui parfois se sent trop seul, un paradoxe de plus pour un musicien hors catégorie, ses démences n’étant jamais très loin…lui qui ne serrait jamais la main pour dire bonjour au risque de se la faire broyer ou encore sa phobie du bruit tout en se couvrant de multitudes de couches de vêtements pour réchauffer son corps qui avait toujours froid.

Glenn Gould a été élevé avec des valeurs relationnelles parents-enfant qu’il conservera jusqu’à sa mort mais restera prisonnier de ses phobies sociales, entre autres, abandonnant sa carrière de concertiste à l’âge de trente-deux ans.

Yvan Calbérac, assisté de Florence Mato, s’est amusé à nous raconter son histoire depuis son enfance jusqu’à son décès avec une multitude d’informations croustillantes sur sa vie. Avec par exemple des scènes très drôles comme celle de ses parents débattant sur sa vie sexuelle, l’Oedipe n’étant jamais trop loin ou encore celle de l’apprentissage du baiser avec sa cousine Jessie : des lèvres qui s’attirent et se repoussent…sont-elles les bonnes ?Des anecdotes truffées de bons mots dans une mise en scène très rythmée, distillée par une fluidité limpide, le tout baigné par le septième personnage : « la musique », passant d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre dans une scénographie sobre de Juliette Azzopardi.
Mais aussi en lecture secondaire, la place de l’artiste au centre de l’œuvre, il a voulu nous interpeller sur le fait qu’il y a plusieurs façons de vivre une œuvre, comme Glenn Gould qui a revisité par exemple les partitions de Bach en y apportant sa touche personnelle, en nous faisant comprendre qu’une œuvre est vivante et qu’elle peut évoluer. N’est-ce pas le cas quand nous assistons à des pièces de Molière jouées dans des mises en scène modernes, faisant fi des perruques, des costumes et du tempo imposé par Molière. Après on aime ou on n’aime pas, cela est un autre débat, tout comme ceux qui ne vénèrent pas un culte à Glenn Gould.

Dans une nouvelle distribution tout aussi fringante, Thomas Gendronneau qui interprète, avec sa gestuelle très poétique, à la sonorité captivante, un Glenn Gould bien vivant et Lison Pennec qui interprète sur le fil du rasoir, dans une justesse du propos, une cousine dévouée, sacrifiant sa vie de femme : fidèles à la création, sont tous deux auréolés du Molière de la révélation !
Ils sont rejoints par : Julien Rochefort en père dépassé par les évènements, sous l’emprise de son épouse, apporte une note de chaleur dans cet univers glaçant.
Sylvie Blotnikas joue habilement une mère à l’autorité établie qui ne supporte pas la contestation.
Michel Scotto Di Carlo en imprésario dévoué et Stéphane Ronchewski à l’accent canadien qui nous fait bien rire, donnent la réplique à un être d’exception.

 

« Glenn – naissance d’un prodige » sur la scène du théâtre La gare du midi de Biarritz, un évènement Entractes Organisations.
vue le 020324
en tournée : 11/03/24 – DOUAI (59), 13 et 14 /03/24 – BRUXELLES (B ), 22/03/24 – ST MAUR DES FOSSES (94), 23/03/24 – ELANCOURT (78), 26/03/24 – ONEX (Ch), 28/03/24 – FONTAINEBLEAU (77), 30/03/24 – CABOURG (14)….

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