Il a beaucoup souffert Lucifer

 

« Il a beaucoup souffert Lucifer » d’Antonio Carmona dans une mise en scène de Mélissa Zehner sur la scène du théâtre Quintaou d’Anglet, dans le cadre d’une programmation du service culture pour des spectacles en famille, est une création de la Cie si sensible qui ne pouvait en pareille occasion mieux porter son nom.

 

Devant un public nombreux d’enfants qui ont été très attentifs pendant la représentation aux déboires d’un garçon de leur âge, scolarisé en CM2, Lucifer de son sobriquet, le héros bien malgré lui de la matinée, nous aura sensibilisés sur un drame qui sévit dans certaines cours de récréations : le harcèlement scolaire.

Lucifer…l’enfer c’est les autres…une réplique qui prend tout son sens et à commencer par son meilleur ami Gabriel qui est passé du côté obscur de la force en lui reprochant d’avoir mis un doigt dans son nez : mais serait-ce la vraie raison ?
Un reproche que Lucifer qui n’est certainement pas le diable formule ainsi : « Ma plus grande faute en ce bas monde aura été de me mettre les doigts dans le nez. »

Depuis ce fatidique jour de novembre, Gabriel, qui n’a rien d’un ange, lui fait vivre humiliation sur humiliation, ne ratant jamais dans un plaisir jouissif une occasion de le rabaisser aux yeux de ses camarades de classe, de lui nuire, que cela soit dans une expression verbale, physique ou psychologique. Des camarades englués dans cet engrenage qui ont pris fait et cause pour Gabriel.
Un manipulateur né, jaloux de celui qu’il a surnommé Lucifer et qui pourrait en fait bien cacher un mal plus profond de sa personne : qu’en est-il de l’estime qu’il se porte ? On peut se poser la question : qu’est-ce qui conduit une personne à devenir « harceleur » ?

Un double sujet qui dans cette histoire porte à réflexion. Certes c’est Lucifer qui est harcelé : mais pourquoi ?

Avec beaucoup d’humour, de tendresse servie par une sensibilité aux aguets, l’auteur nous projette un Lucifer qui entre sur scène avec tout le poids du monde sur ses frêles épaules.
De suite, nous assistons avec une poignée de main particulière au déferlement de haine de Gabriel vis-à-vis de Lucifer : criant « Lucifer…Lucifer je t’en conjure…délivre-nous du mal… » Le décor est planté !

Pendant près d’une heure, nous assisterons à la mécanique diabolique du harceleur qui tisse sa toile vénéneuse sur sa victime la rendant impuissante à toutes réactions.
Une victime qui aura beau se protéger avec son armure invisible, n’aura pas d’autres choix que de réciter sa litanie de confession pour satisfaire l’appétit destructeur de Gabriel : « je suis fils de personne, le roi des crasseux, un pisseur de froc…».
Alors que lui fidèle à son verre à moitié plein, ayant perdu ses parents et réconforté par sa grand-mère aimante,  évoquera sa pensée bienveillante : « T’es comme un frère pour moi Gabriel ».

De l’humour vous dis-je, avec cette nouvelle institutrice que nous découvrons le jour de la rentrée des vacances de noël. Dans une folle exubérance elle demande qu’on la nomme Madame Mademoiselle accompagnée d’un geste de la main qui a bien fait rire le jeune public friand de ses pitreries dignes d’un clown moderne. Elle représente la soupape de décompression de la tragédie qui se déroule sous nos yeux attristés.

Une phrase marque un moment clé de l’histoire, une phrase que Lucifer, de son prénom Luan, écrira sur le tableau dans un moment de désespoir : « pourquoi l’école fait-elle souffrir autan ? ».

Mais pour finir sur une note positive, la situation s’éclaircira lors la fête de l’école, où chacun trouvera sa place sur l’échiquier de la justice.

Un texte très bien écrit qui a le mérite de poser un fait de société qui fait des ravages dans le milieu scolaire s’il n’est pas traité dès son apparition. Dans un rythme soutenu, un texte mis en scène de façon très ludique par Mélissa Zehner qui a su éviter les ornières de la facilité propres aux situations de dénigrements qui caractérisent le harcèlement.
Mais aussi avec beaucoup d’émotions, de fragilité, un texte mis en valeur par le jeu très subtil des quatre comédiens qui nous ont embarqués dans leur monde de l’enfance sans jamais lâcher notre attention. Ils sont tous formidables de justesse : Léa Douziech (Madame Mlle), Maurin Ollès (Gabriel), Rémi Faure (Lucifer) et Lucile Tèche (la grand-mère).

Le harcèlement scolaire, un mal à prendre au sérieux, que vous soyez victime ou témoin, un seul numéro pour en parler, le numéro vert « non au harcèlement » : 3020.

 

« Il a beaucoup souffert Lucifer » sur la scène du théâtre Quintaou d’Anglet.
le 26 février 2023.
Prochaines représentations : du 28 au 29 mars – Salle Léon Curral à Sallanches (74), du 31 mars au 03 avril – Château Rouge à Annemasse (74), du 05 au 06 avril – Quai des Arts à Rumilly (74) Du 11 au 13 avril – La Passerelle à Gap (05).

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