Dans la mesure de l’impossible

 

« Dans la mesure de l’impossible » de et mise en scène par Tiago Rodrigues, dans une traduction de Thomas Resendes, sur la scène du théâtre Quintaou à Anglet, dans le cadre de la programmation de la Scène nationale du Sud-Aquitain, est un savant mélange de non-dits mis en lumière par les témoignages de femmes et d’hommes vivant au plus près des zones de conflits.

 

De retour sur la scène du théâtre Quintaou après son « Iphigénie » en novembre dernier mise en scène par Anne Théron (cliquez), Tiago Rodrigues nous plonge dans le monde mystérieux de l’humanitaire.
Mystérieux car chacun a sa propre perception de ce monde, théâtralisant les intervenants dans des rôles de héros qu’ils réfutent.

Une mise en scène fluide, simple, révélant un travail d’enquête minutieux afin de coller au plus près de la réalité, de récolter des témoignages constructifs auprès des personnels de la Croix-Rouge ou encore de Médecins sans frontières ; de ce que vivent ces chirurgiens, médecins, infirmiers, collaborateurs, de toutes ces personnes qui gravitent dans ce monde consistant à aider son prochain sans en attendre en retour une quelconque reconnaissance : ils ne font que leur travail.
La fierté d’être utile, de travailler dans une réelle satisfaction, de porter en toute générosité secours aux populations victimes des conflits, des guerres.

Une sensibilité mise en relief par une mère médecin et un père journaliste. Une combinaison qui a eu raison de son cheminement intellectuel pour écrire cette pièce de théâtre. Car il s’agit bien d’une pièce même si le formidable jeu des acteurs laisse penser à une improvisation : telle est la force de ce spectacle.
D’ailleurs l’un des comédiens (deux femmes et deux hommes représentant les « humanitaires ») met tout de suite les pieds dans le plat en s’adressant au public qui est censé représenter les journalistes qui les interviewent : préparez-vous une pièce ou un spectacle ?
Ces humanitaires qui dans le sacrifice de leur vie de famille travaillent et ne voyagent pas pour leur plaisir, toute la complexité de leur action habilement développée dans les deux heures qui composent l’énumération de leurs témoignages, parfois glaçants dans l’insoutenable, parfois légers.
Des témoignages qui mettent sur le devant de la scène toute la violence, la souffrance que peuvent engendrer leurs actions sur le terrain.
Ils nous livrent à travers leurs témoignages, au plus profond de leurs intimités, les outils pour comprendre leurs métiers, leurs présences sur les zones de combats, les choix qu’ils doivent opérer devant l’adversité entre la vie et la mort, leurs débuts dans cette profession : accepter de souffrir pour apprendre de ses erreurs, accepter de pleurer.

Une profession qui pour nous spectateurs lambda, confortablement installés dans nos fauteuils, percevons comme une formidable dévotion à changer le monde, le rendre meilleur, alors que son but est de tout simplement sauver des vies humaines, de gagner du temps sur l’inéluctable, certainement pas de changer le monde.

Des témoignages dépourvus de morale qui opposeront sans cesse le possible à l’impossible, la paix à la guerre, la vie de famille à la vie sur le front dans ses va-et-vient, délivrés en langue française mais aussi en anglais ou encore en portugais, les rendant ainsi plus vrais que nature, donnant du soleil dans ce monde bien sombre que nous décrivent ces humanitaires dans toutes leurs fragilités. Un très joli fado viendra en faire la démonstration.

Une pièce ponctuée par le mouvement d’une toile qui, telle une montagne, un hôpital de campagne, tel un chapiteau aux multiples pointes, ne fera que s’élever dans le ciel, laissant dans une page d’espoir la découverte du musicien qui dans ses percutions donnera un rythme fracassant à tous les témoignages.

Beatriz Brás, Natacha Koutchoumov, Adrien Barazzone et Baptiste Coustenoble donnent dans leurs interventions une vision du monde des humanitaires tout à fait saisissante. Ils incarnent avec justesse et fragilité toute la difficulté de leur profession à trouver la juste mesure pour être opérationnelle à tout moment. Ils sont accompagnés aux percussions par Gabriel Ferrandini qui ne ménage pas son ardeur à souligner les récits.

 

« Dans la mesure de l’impossible » sur la scène du théâtre Quintaou à Anglet dans le cadre de la programmation de la Scène nationale du Sud-Aquitain.
Prochaines représentations : le 03 février théâtre Quintaou, le 09 février à Vire, le 16 février à Delémont, les 25 et 26 février à Clermont-Ferrand, du 31 mai au 06 juin à Bordeaux.
le 02 janvier 2023

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close