« Songs » dans le cadre de « La saison des 3 villes » : première soirée, composée de trois ballets du répertoire, chorégraphiée par Fábio Lopez au théâtre La Gare du midi à Biarritz dans laquelle la technique s’alliait à la grâce et la poésie.
« Danser, c’est s’interroger, aller au plus profond de soi » disait Marie-Claude Pietragalla qui récemment avait foulé le plancher de cette belle scène.
Un état d’esprit tout à fait en adéquation avec le travail remarquable des danseurs de la Compagnie Illicite de Bayonne dont Fábio Lopez en est le directeur Artistique & le chorégraphe résident.
Pour ouvrir cette soirée magique c’est l’« Adagio Hammerklavier » chorégraphié par Hans van Manen et remonté par Barbora Hruskova qui nous fit rêver. Un ballet considéré comme le chef-d’œuvre du chorégraphe néerlandais.
Trois femmes et trois hommes tout vêtus de blanc glissent sur scène arborant pour les femmes une broche dorée et pour les hommes un collier doré sur fond de toile blanche suspendue et ondulant sur le rythme d’une brise légère.
Comme disait Lamartine, Ô temps ! suspends ton vol…une totale maîtrise du geste dans cette envolée contre le temps où chaque pas de deux, sur les notes du troisième mouvement de la sonate n°29 de Ludwig van Beethoven qui, s’égrènent sur le piano dans un adagio magnifié par un tempo très lent à la carnation sauvage, vient sublimer dans un style classique la pureté du geste des danseurs pleinement concentrés dans leurs personnages.
Trois pas de deux liés par des mouvements de groupe où le couple se questionne sur le sens qu’il donne à sa vie, dans un mouvement à la recherche de l’équilibre où le précipice n’est jamais très loin.
Des portés majestueux qui donnent la part belle aux petits détails des corps, des mouvements, et qui dans des lignes graphiques très pures laissent place à la lumineuse lenteur glaçante de l’exécution.
Nina Pham & Florian Carer, Salomé Goualle & Arturo Pérez del Campo et Alessandra De Maria & David Claisse, habillés par Jean-Paul Vroom et éclairés par Jan Hofstra, ont somptueusement réussi cet hommage rendu à ce chorégraphe à la renommée internationale.
C’est ensuite « Le papillon » d’après le ballet de Marie Taglioni & Pierre Lacotte chorégraphié par Fábio Lopez qui est venu nous distraire, nous apporter un peu de gaîté sur la musique entraînante de Jacques Offenbach.
C’est avant tout, dans un romantisme au tutu long, une prouesse technique à laquelle Alessandra De Maria & David Claisse nous ont donné le plaisir d’assister.
Deux danseurs phares de la Cie Illicite aussi à l’aise dans le contemporain que dans le néoclassique qui ont ce soir sur des pas très classiques fait vibrer le public par leurs charismes et leurs virtuosités.
Fabio Lopez a voulu rendre hommage à la féminité, à la chorégraphe Marie Taglioni avec ce ballet oublié du répertoire.
Chacun leur tour ils ont pu nous faire la démonstration de leurs talents, des longues heures de travail pour maîtriser la technique qui leur permet de s’envoler ce soir avec grâce, qui s’effacent avec le sourire du joli petit papillon virevoltant aux ailes coquines des plus romantiques éclairées par Aïtz Amilibia.
Une belle histoire d’amour qui réunit un couple magique à la complicité bienveillante, naturelle, qui sortira vainqueur des sortilèges dont il a bien pu faire l’objet…
C’est le ballet « Songs » du chorégraphe Mauro Bigonzetti remonté par Béatrice Mille, présente ce soir, qui a eu le privilège de clore cette soirée féérique.
Sur des musiques d’Henry Purcell, sublimées par des voix de cristal de James Bowman, Alfred Deller, Susan Gritton, et les doigts agiles du claveciniste William Christie, trois danseurs s’approprient le plateau pour nous délivrer dans une recherche continuelle leur message d’amour.
Dans une communion du langage des corps, désarticulés, caressés par les lumières éthérées de Carlo Cerri et habillés par Mauro Bigonzetti, Nina Pham, David Claisse et Florian Carer ont, tels des félins, respiré sur des pas qui les rapprochaient ou les éloignaient à la recherche de leurs identités, de leurs sentiments naissants.
Comme des lionnes qui se désaltèrent à la tombée de la nuit au bord d’un lac à la lueur d’une lune rougeoyante, dans une souplesse, une grâce, à la légèreté déconcertante, effaçant une technique maîtrisée, ils explorent leurs intimités au plus profond de leurs êtres.
Par des attouchements fébriles, ils expriment la palette de leurs émotions dans une tendresse harmonieuse.
De pas de deux, en solos, en passant par des pas de trois, ces trois danseurs nous donnent des frissons réconfortants sur la nature humaine.
Un très beau travail salué par une ovation.
Une soirée enchantée, captivante, réjouissante, menée poétiquement par les fascinants danseurs de la Cie Illicite.
« Songs » au théâtre La Gare du midi à Biarritz, le 06 octobre 2022.
Prochaines dates de « La saison des 3 villes » :
– Le 23 mars 2023 – Triple Bill : Duato / De Candia / Lopez, Théâtre Michel Portal à Bayonne
– Le 20 mai 2023 – Stabat Mater sur une musique d’Antonín Dvořák, Théâtre Quintaou à Anglet