« Mozart à 2 / Beethoven 6 » sont deux ballets chorégraphiés par Thierry Malandain présentés dans le Complexe Saint-Louis de Saint-Palais à l’occasion du festival Le temps d’aimer la danse. Des musiques sublimées par les pas des danseurs heureux de danser devant un public conquis.
Quelle riche idée d’avoir pour la deuxième fois consécutive décentralisé une représentation du festival Le temps d’aimer la danse : Saint-Palais en est tout émue et affiche une salle pleine pour admirer le Malandain Ballet Biarritz qui, par faute de complet, se produira de nouveau en avril prochain.
Mozart à 2 exprime par le regard de six couples, dans six pas de deux qui se succèdent habilement, les sentiments de l’Amour avec un grand A. Un amour dansé sur six adagios extraits des concertos de Wolfgang Amadeus Mozart : de l’amour fragile à l’amour bienveillant en passant par l’amour passion.
En premier lieu, un amour naissant, au balbutiement de la rencontre, sur le concerto n°2 avec un solo d’homme d’une intensité dramatique qui timidement sur quelques notes de piano va conter fleurette à sa belle à la fraîcheur rassurante.
Un amour qui sur le concerto n°3 peut laisser franchir certaines limites de conflit laissant apparaître un machisme mal venu avec ces claques qui volent, parité oblige, et ce coup de boule à la Zidane que la bien aimée saura distribuer pour calmer les ardeurs d’un mâle un peu trop sûr de lui, mais malgré tout sur un pas de deux de toute beauté. Un je t’aime, je t’aime, moi non plus à la Gainsbourg.
Comment ne pas avoir la chair de poule avec le concerto n°23, l’un des plus connus de Mozart, avec les notes de piano qui s’égrènent lentement laissant ainsi s’exprimer tout l’amour, la délicatesse que les deux amants laissent vibrer dans un pas de deux jalousement romantique une sensualité réciproque, tout en n’hésitant pas à se crier à la face, dans un jeu d’ombres, leur amour.
Mais l’amour peut être aussi passion, dévorant au sens propre comme au sens figuré avec ce concerto n°4 libérant dans un contact fusionnel toute l’ardeur des amants.
La tendresse est aussi une lumière de l’amour avec ce concerto n° 15 libérant un pas de deux féérique.
Au fil des années, un amour avec ses hauts et ses bas, ses bonheurs et ses malheurs, ses fragilités, sa santé fébrile, où le soutien du partenaire est indispensable dans sa longévité, conclut ce bal autour de Mozart avec un pas de deux langoureux des plus intimes sur le concerto n°21 aussi célèbre que le n°23.
Un rêve éveillé que nous ont donné ces six couples à la beauté lumineuse, puissante, dans une gestuelle néoclassique, à la pureté et à la finesse bouleversantes, éclairée par Jean-Claude Asquié et habillée par Jorge Gallardo : immense merci pour le lot d’émotions procurées à Clémence Chevillotte et Loan Frantz, Yui Uwaha et Raphaël Canet, Irma Hoffren et Noé Ballot, Ismael Turel Yagüe et Giuditta Banchetti, Patricia Velázquez et Jeshua Costa, Claire Lonchampt et Michaël Conte.
Après un court entracte pour nous remettre de nos émotions c’est au tour de Ludwig van Beethoven de nous faire entrer dans la danse avec sa symphonie n°6, la célèbre Pastorale.
Thierry Malandain propose dans son ballet une version de l’homme face à la nature transposé dans cet univers de l’Arcadie : « terre de bergers où l’on vivait heureux d’amour ».
Les dieux de l’Olympe ont veillé sur le Malandain ballet Biarritz avec un amour qui traverse toutes les tempêtes dans une fin des plus ténébreuses.
Un jeune homme interprété tout en insouciance, en innocence, par Hugo Layer (que j’avais admiré dans L’Oiseau de feu) fil conducteur de ce ballet, étendu sur le sol au milieu d’un cercle lumineux, tel un soleil, semble se reposer, las de cette vie terrestre. Des muses viennent l’éveiller pour qu’il soit en symbiose avec la nature qui ne demande qu’à le voir s’épanouir dans un paradis aux vibrations éclatantes.
Tout un monde de danseurs à l’harmonie rassurante, dans une fluidité dynamique, complète le chemin des muses tout en le stimulant pour qu’il se décide à admirer tout ce qui l’entoure, tout ce que la vie lui propose.
Habillés de tuniques aux plissés impeccables de Jorge Gallardo mises en valeur par les lumières de François Menou, aux ports de bras bien dessinés, les danseurs dans un jeu de lignes à la géométrie parfaite, évoluent sur scène dans une grâce à la fois féline et puissante, accompagnée de pas de deux qui nous laissent sans voix tant leurs exécutions relèvent de la perfection.
Par groupe, dans une gestuelle aux graphismes étudiés, les danseurs entrent et sortent de la scène à la vitesse de l’éclair, dans des lignes et des rondes aux spirales bien sculptées, laissant notre jeune homme désorienté, tel un chaton qui gambade, qui sautille, qui cherche sa fratrie, sa maman.
Il a beau leur courir après pour jouer, pour s’ouvrir, il se retrouve souvent bien seul au milieu de cette nature resplendissante, laissant une émotion fugace apparaître le temps d’une traversée d’un escargot à la maison étincelante.
Une communication qu’il n’est pas si facile d’établir avec un monde en mouvement perpétuel. Notre jeune homme, notre chaton aura beau se débattre dans ce monde qui l’aspire, il finira bien seul, l’orage n’étant jamais très loin pour une fin bien triste…le petit chat est mort…comme disait Agnès…
Hugo Layer est admirablement entouré par une distribution généreuse à la présence étourdissante de virtuosité, de sensualité, d’élégance, maîtrisant parfaitement son Art, saluée par une ovation bien méritée : Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Loan Frantz, Irma Hoffren, Guillaume Lillo, Marta Otano Alonso, Alessia Peschiulli, Julen Rodriguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Patricia Velázquez, Allegra Vianello, Laurine Viel et Yui Uwaha.
« Mozart à 2 / Beethoven 6 » au Complexe Saint-Louis à Saint-Palais le 18 septembre 2022.