« Les voyageurs du crime » de Julien Lefebvre, à La gare du midi à Biarritz dans une mise en scène de Jean-Laurent Silvi, nous a concocté une enquête menée tambour battant, servie par une troupe soudée à la recherche de notre plaisir.
Pourquoi changer une équipe qui gagne. Julien Lefebvre aime nous embrouiller avec ses enquêtes policières (avant la prochaine qui ne saurait tarder…L’heure des assassins…), mises en scène par le redoutable Jean-Laurent Silvi qui se complait à distiller, avec efficacité, les moindres détails pensés astucieusement par l’auteur, dans une mise en scène rigoureuse mais infaillible. Après « Le cercle de Whitechapel » où ils étaient à la recherche de la vérité sur Jack l’Eventreur, en passant par une folle comédie relevée « Plus haut que le ciel », ils aiment nous embrumer le cerveau dans un exercice de style bien rodé aux répliques ciselées.
Cette fois-ci sur quel sujet allons-nous plancher ?
De rebondissements en rebondissements rocambolesques, nous allons suivre le parcours d’une jeune fille, Miss Miller, jouée tout en sincérité dans des accents juvéniles par Marjorie Dubus, à la recherche de sa mère, qu’elle pensait endormie dans sa couchette, disparue étrangement dans ce que nous appelons aujourd’hui « l’Orient express ».
Sous une vapeur envahissant la scène à l’ouverture du wagon salon, dans un décor du plus bel effet conçu par Margaux Van Den Plas (fidèle à Julien Lefebvre), nous découvrons l’arrivée de nos deux protagonistes qui vont mener cette enquête avec un œil toujours éveillé, à la recherche du moindre détail qui leur permettrait rapidement de mettre un point final à cette enquête, et de voyager paisiblement après une arrivée chaotique.
Tout d’abord le dramaturge Bernard Shaw, dans l’expectative et à l’esprit vif aux répliques piquantes, joué par Nicolas Saint-Georges, mon coup de cœur de la soirée, dans un cynisme redoutable, suivi de près par Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, joué dans un pragmatisme puissant, méticuleux, par Ludovic Laroche. Tout deux en attente qu’Antoine, qui fait office de chef du train, un veuf étrange, joué tout en dévotion, mais semble-t-il un peu trop serviable par Etienne Launay, leur attribue leurs couchettes.
Viennent perturber cette soirée qui s’annonce des plus mouvementées, des parasites qui viennent compliquer l’enquête d’Arthur Conan Doyle, qui nous fait penser outre Sherlock Holmes, son bébé, à Hercule Poirot ou pour les plus anciens à Raymond Souplex dans « La perruche et le poulet ».
Tout d’abord Madame Mead, une stricte préceptrice, qui protège Miss Miller avec une étrange compassion. Céline Duhamel se glisse dans le personnage avec une saveur acidulée. Nous ne sommes pas en reste avec l’arrivée très remarquée d’une actrice sur le déclin, Miss Cartmoor, que l’on surnomme « la Sarah Bernard de Buffalo », c’est tout dire ! Stéphanie Bassibey donne de la fougue contagieuse à son rôle. Contrebalancée par l’énigmatique joueur d’échecs, Monsieur Souline, au profil inquiétant, exécuté tout en profil bas par Pierre-Arnaud Juin. Enfin pour clore cette joyeuse distribution, c’est sans compter sur la présence de Bram Stocker, le romancier à l’origine du célèbre personnage de Dracula, incarné par le bon vivant et roublard Jérôme Paquatte (auteur à succès, lui aussi, avec sa nouvelle pièce « Amants à mi-temps).
En fin de compte cette Madame Miller est-elle montée dans ce train ? A-t-elle disparu ? Joue-t-elle avec nos nerfs ?
A vous de le découvrir en suivant l’enquête méticuleuse d’Arthur Conan Doyle !
Les musiques d’Hervé Devolder qui définissent les tableaux, donnent de la légèreté à ces investigations, qui par un certain côté nous apaisent, dans un humour qui nous apporte des rires providentiels. Par ailleurs des vidéos projetées sur la vitre du wagon, pendant que le train roule, donnent l’impression qu’il circule paisiblement, ne tenant pas compte du drame qui se joue devant nous, spectateurs incrédules.
Les costumes d’Axel Boursier accentuent la mise en valeur des comédiens pleinement investis dans leur mission.
Julien Lefebvre, une fois encore dans un rythme qui lui est particulier, ne nous laissant pas le temps de réfléchir à la découverte du possible « meurtrier », nous fait la démonstration d’une maîtrise de son art dans un opus truffé de pièges mais des plus croustillants. Il manie le verbe habilement pour en extraire tous les sucs dévoilant à nos yeux éblouis, dans un équilibre parfait, un succès mérité.
« Les voyageurs du crime » le 16 mai à La gare du midi à Biarritz, produit par Le Renard Argenté, en tournée via Pascal Legros organisation, le 24 mai à Maisons-Alfort, le 25 mai à Saint-Dizier, le 27 mai à Toulon, à partir du 11 septembre au théâtre du Splendid à Paris.