Syngué sabour

 

« Syngué sabour » d’après le roman d‘Atiq Rahimi dans une adaptation de la compagnie Théâtrons ensemble, à la salle Le Colisée à Biarritz, est une ode à la liberté de penser, de vivre libre.

Ce roman a obtenu en 2008 le prix Goncourt et fut adapté en 2013 pour le cinéma par l’auteur et Jean-Claude Carrière.

« Syngué sabour » en persan est le nom d’une pierre noire magique, une pierre de patience qui accueille la détresse de ceux qui se confient à elle. Certains y voient une relation étroite avec celle de La Mecque où chaque année des millions de pèlerins viennent y tourner autour.

L’action se situe, selon le livre, en Afghanistan, mais pourrait laisser supposer qu’elle puisse se situer dans d’autres pays musulmans intégristes, de par la valeur de cette adaptation que donne la place de la femme dans leur religion. L’islam n’est-elle pas une religion de soumission comme on peut le lire dans sa traduction.
Dans cette vision dépouillée qui nous est proposée, point de burqa mais un voile qui pourrait nuancer le propos, l’action, quoi que…
Ce voile qui quoiqu’on en pense, quoiqu’on en dise, est un acte de soumission de la femme à l’homme et non pas à Dieu, en l’occurrence Allah, encore faut-il en avoir conscience.

Pendant qu’à l’extérieur de sa maison, les kalachnikovs se déchaînent, laissant supposer des combats virils, une femme veille sur son mari, blessé par une balle logée dans sa nuque, allongé sur le sol, immobile, plongé depuis plusieurs semaines dans ce qui s’apparente à un coma.
Il est présenté comme inconscient : mais est-il présent par la pensée ? par l’écoute ?
Tout réside dans cette incertitude jusqu’au dénouement, qui pour une fois n’est pas courant dans le théâtre avec sa fin ouverte, où chacun pourra y trouver « sa chute » selon ses croyances, quoi que…

Son épouse, à son chevet, récite inlassablement des prières sans trop savoir s’il en est réceptif. Une perfusion d’eau sucrée le maintient en vie puisque la pharmacie ne peut plus lui délivrer le sérum adéquat.
S’ensuit alors une logorrhée qui évoque sa pierre de patience, une pierre qui absorbe une confession qui permet à cette femme de pouvoir énumérer, se libérer de toutes les souffrances, les maltraitances, que lui a fait subir cet homme violent, qui lui a donné deux filles, et les sarcasmes d’une belle-mère qui ne voit dans les yeux de sa belle-fille que mépris, jusqu’à l’explosion de cette pierre trop imbibée de douleurs, de larmes, conclusion d’un calvaire, pour nous occidentaux son chemin de croix.

Une femme considérée comme un objet dans cette religion qui se veut soi-disant amour et paix mais qui se contrebalance avec cette loi de la charia qui la met plus bas que terre, puisqu’elle ne lui reconnaît pas l’égalité avec l’homme. Seule son infériorité peut la sauver du bras infaillible de l’homme.
Emprisonnée dans un corps qui ne lui appartient pas, elle qui est impure à leurs yeux doit se cacher, se voiler, ne pas susciter le désir chez l’homme, alors que lui peut avoir plusieurs épouses et s’habiller comme il le souhaite.
Impure parce qu’elle a ses règles et non impure lorsqu’il faut lui briser l’hymen signe d’une pureté revendiquée par ces mêmes hommes inféodés à des lois incompréhensibles de nos jours.
Une femme qui ne doit pas avoir de plaisir…mais qu’elle trouve dans son intimité quand le temps lui permet. « Une femme honnête n’a pas de plaisir » nous chantait Jean Ferrat…
Une femme qui doit pour éviter le viol faire croire qu’elle se prostitue, écartant ainsi l’homme qui ne pourra que la rejeter.
La femme n’est rien, encore moins quand c’est une enfant de douze ans, puisqu’un père peut la vendre à un homme âgé pour payer une dette de jeu.
Une femme qui ne peut accéder au savoir pour s’émanciper puisque l’école lui est interdite.

Un patriarcat qui sévit encore de nos jours et qui n’est pas à mes yeux assez dénoncé par les musulmans non intégristes. Il en ressort une image négative, comme on peut encore le constater récemment et qui nuit à leur juste place dans la société. Mais un auteur qui a dû fuir ce pays en guerre pour rester en vie.

Une adaptation qui relate de façon juste ce roman dans une interprétation tout en nuance du personnage principal joué sensiblement et sincèrement par Cendrine Garry Santamaria.
Dans un rêve, les ombres, les oiseaux, passent et donnent vie aux personnages secondaires qui alimentent les pensées de cette femme emprisonnée dans une vie qu’elle voudrait voir s’ouvrir au monde.
Le père, la tante, les soldats, donnent corps à ce récit qui nous laisse sans voix devant tant de cruautés. Jean-Pierre Guilloteau, Aurore Dinercé et Romain Faccini donnent, tout en humilité, vie à ces personnages venus éclairer la conscience de cette femme caressant cette pierre de patience à la recherche de sa vérité.
Seule la musique occidentalisée de Xabi Hayet, qui se veut en accord avec une possibilité d’ouverture œcuménique, m’a perturbé dans cette transposition qui m’a tenu en haleine jusqu’à la fin.

Un texte qui donne à réfléchir sur la position de la femme dans cette religion, mais aussi un signe d’espoir dans le combat de cette femme, comme des milliers d’autres qui n’aspirent qu’à vivre comme l’égal de l’homme : une revendication des plus légitimes qui malheureusement est encore loin de pouvoir exister.

 

« Syngué sabour » le 21 avril à la salle Le Colisée à Biarritz, d’autres dates à venir, à vérifier sur leur site :  theatronsensemble.com

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