Le petit coiffeur

 

« Le petit coiffeur » de et mis en scène par Jean-Philippe Daguerre au théâtre La Gare du Midi de Biarritz est une vision éclairée d’une période sombre de notre histoire.

Après le formidable « Adieu Monsieur Haffmann » (cliquez) (et la récréative « La famille Ortiz » (cliquez) ), apprécions à sa juste valeur le nouvel opus de Jean-Philippe Daguerre sur un passage de l’histoire de la guerre 39-45. Cette fois-ci c’est une photo qui a retenu son attention, celle de Robert Capa : « la Tondue de Chartres » qui a fait le tour du monde. Une mère conspuée par la foule, tenant dans ses bras son bébé de trois mois.

Un sujet qui dans un premier abord n’est pas fait pour nous réjouir. Eh bien détrompez-vous, c’est sans compter avec le pari de l’auteur pour, dans des émotions non dissimulées, nous attendrir avec cette histoire de la famille Giraud où l’humour côtoie la poésie dans le sourire, le rire, les larmes et le sang.

Après avoir été dénoncé, par qui ? Un des fils conducteur de l’histoire, le père meurt dans un camp de travail en Allemagne.
Transposons-nous en juillet 44, une année après cette douloureuse disparition. Nous entrons dans l’intimité d’une famille et retrouvons sa femme Marie, une héroïne de la résistance, ses fils Pierre et Jean dans le salon de coiffure familial à Chartres, tout juste libérée.
La mère gère le salon « femmes »  et Pierre le salon « hommes » ; avec la particularité de recevoir des femmes pour, entre deux clients, y exercer son art, lui qui a fait les beaux arts, activité qu’il avait mis en sommeil pendant la guerre pour alimenter la marmite. Le frère Jean, me direz-vous que vient-il faire dans cette histoire ? Il est, malgré son retard mental, le papillon lumineux qui donne de la légèreté, de la poésie, à cette période sombre qui nous tient en haleine. C’est lui qui nous accueille, sur des notes de Brahms (il fallait oser), avec des messages radiophoniques destinés à la résistance.

Mais c’est aussi le temps des règlements de compte, la chasse aux sorcières, la chasse aux collabos, aux femmes qui se sont encanaillées avec l’ennemi : l’épuration !
Avec ce petit coiffeur du village qui possède « la tondeuse » et qui mettra au grand jour les atrocités de la guerre. Un rôle que Pierre sera obligé, en mémoire de son père, de tenir bien malgré lui. Heureusement que le général de Gaulle est passé par là…

Comment lier cette sauce à la saveur douce amère ? Par une histoire romanesque dont l’auteur, à l’esprit fleur bleue, a le secret. Nous faisons la connaissance de Lise, institutrice de son état, qui se retrouve, à l’initiative de la mère, Marie, dans les bras de son fils Pierre. Ils ne vont pas couper les cheveux en quatre pour donner naissance à une idylle qui sera très mouvementée par l’ami de la famille, Léon, un don juan qui conte fleurette à Marie. Une idylle alimentée par un secret qui viendra perturber cette histoire d’amour naissante.

Jean-Philippe Daguerre entouré d’une équipe qui gagne avec le décor modulable de Juliette Azzopardi à la chaleur réconfortante, éclairé juste comme il faut par Moïse Hill, ne cherche pas à nous donner une leçon d’histoire, mais à nous faire réfléchir ; une histoire parsemée par les multiples rebondissements auxquels nous assistons et habillée par Alain Blanchot.
Dans un style de mise en scène qui lui est propre, allant à l’essentiel, laissant de coté les effets de la facilité, il nous laisse le temps entre deux séquences de digérer l’information, de retrouver nos esprits, pour accueillir la suivante.
Il nous présente son histoire comme la construction d’une peinture par petites touches, qui mises bout à bout donne naissance à une belle peinture d’histoire d’amour.
Il a tout prévu, pour ne pas tomber dans la mélancolie, il a une nouvelle fois fait appel à Florentine Houdinière qui sur des musiques d’Hervé Haine, nous fait danser dans des intermèdes apaisants, rafraîchissants, sur des airs de rock ou de tango argentin.

Et c’est Arnaud Dupont dans le rôle de Jean qui nous régale avec ses facéties. Il a dans les yeux, la tendresse qui donne du baume au cœur, lui qui est en admiration devant Lise Berthier et qui ne se sépare jamais du fusil de son père, témoignage de sa présence.

Une Lise Berthier jouée tout en complexité, en douceur, par Charlotte Matzneff. Elle incarne dans un réalisme touchant cette bouleversante institutrice amoureuse de la vie.

Son amoureux Pierre, le petit coiffeur, joué par Félix Beaupérin (remarqué dans « La ménagerie de verre (cliquez) ), personnifie tout en justesse cet amoureux transi qui est prêt à tout pour sauver son histoire d’amour compliquée.

Compliquée par Léon, l’ami de la famille qui d’un abord bourru se laissera gagner par la raison. Une belle interprétation à la sensibilité sous-jacente de Romain Lagarde.

Dans une composition émouvante, Raphaëlle Cambray donne corps à cette mère qui protège ses petits avec une main de fer dans un gant de velours. A la fois humaine, énergique et tendre, elle aime sa tribu et cela se ressent intensément dans son jeu équilibré.

 

Une histoire d’amours à ne pas manquer, une nouvelle fois Jean-Philippe Daguerre nous séduit par tant d’audace. Un sujet qui a déchiré la France mais traité avec bienveillance, sans être donneur de leçons.

 

« Le petit coiffeur », à La Gare du Midi à Biarritz, représentation du 10 février organisée sans faille par « Les Amis du théâtre de la côte basque ».
Pièce en tournée dans toute la France avec l’ Atelier Théâtre Actuel et en parallèle au théâtre Rive Gauche de Paris, du jeudi au samedi à 19h et le dimanche à 17h30.

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