The Normal Heart

 

« The Normal Heart » de Larry Kramer  dans une adaptation et une mise en scène de Virginie de Clausade au théâtre La Bruyère est une colère sourde qui explose dans les mots d’un homme hors du commun.

 

Aujourd’hui avec le recul, il est facile d’analyser la situation, de mettre des mots sur un drame et de prendre les solutions adéquates. Mais mettons-nous dans la peau de ces personnes en 1981…comment aurions-nous réagi face à un tel problème de santé dont on ne sait rien, un virus inconnu ? Un peu comme aujourd’hui avec la covid…

Cet homme c’est Larry Kramer qui via la personnalité volcanique d’un écrivain, Ned Weeks, « au caractère horriblement chiant », selon sa propre définition, va mettre le feu aux poudres pour tenter de faire comprendre au monde qu’il est urgent de réagir face à ce fléau qui gagne du terrain, jour après jour, en décimant les représentants de la communauté homosexuelle. Larry Kramer est le fondateur d’Act Up en juin 1987.

Un récit qui se déroule entre 1981 et 1984 ponctué par une voix qui annonce au fil des mois le nombre des décès. 1, 10, 100 puis des milliers, des chiffres vertigineux qui ne font pas bouger d’un cil le maire de New-York ou encore moins le New-York Times.
L’inaction du monde politique et médical révulse Ned Weeks. Ces entités dans le déni ne veulent pas affoler la population malgré les manifestations et les coups d’éclat médiatiques. Les sorties sensées mais trop colériques de Ned Weeks le desservent plus qu’elles n’apportent de l’eau à son moulin.
Un conseil d’administration, de l’association qu’il a fondée sous couvert de son frère avocat Ben Weeks, joué tout en finesse par Scali Delpeyrat, qui finira par briser le lien fraternel, décide de le démettre de ses fonctions, de lui retirer tous ses pouvoirs.
Malgré le propre rejet de sa communauté, il trouvera la force, l’énergie, de vivre dans l’amour qu’il portera à Félix Turner, journaliste frivole, joué tout en lumière par Jules Pélissier.

Le pari de cette adaptation et de cette mise en scène très réussies de Virginie de Clausade, dans la sobriété des mots et des gestes est de ne pas tomber dans la moralisation, le pathétique. Au contraire nous sommes en empathie avec les comédiens qui chacun à leur manière nous touche par la richesse de son jeu où l’émotion se conjugue avec l’humour, le tout orchestré dans une grande Histoire d’Amour : celle de la vie, scénographiée par Olivier Prost et habillée par Colombe Lauriot-Prévost assistée par Andrea Millerand.

Nous vivons leurs moments de solitudes, leurs peines, leurs douleurs, la perte d’un être aimé, nous sommes suspendus à leurs histoires dont nous connaissons malheureusement l’issue fatale.
Comment soigner un virus dont on ne connaît pas l’origine, son mode de transmission, auquel aucun nom n’y est attaché et dont on ne peut y apporter aucun remède, si ce n’est d’enregistrer encore et encore le nombre de décès.
Peut-on s’embrasser ? Faire l’amour avec un préservatif par exemple, autant de questions pour lesquelles personne n’a de réponse. Vivre dans l’angoisse que la maladie se déclare, tel est l’avenir de cette communauté dévastée par ce mal sourd.

Bien que Dimitri Storoge, dans le rôle de Ned Weeks, capte toute notre attention dans une énergie conquérante, pendant que les autres comédiens donnent corps à ses propos, nous sommes éblouis par ce jeu choral. Tous des hommes, exceptée une femme, Déborah Grall, qui tient avec justesse, gravité, le rôle clé du médecin Emma Brookner qui se voit refuser par la communauté scientifique le financement de ses recherches. Elle qui sera dépassée par les évènements mais qui jamais ne faillira à sa mission.
Mais aussi, Joss Berlioux dans de brèves apparitions poignantes, le premier diagnostiqué d’une longue série, un premier décès qui donnera le ton de la pièce ; Bruce Niles à la beauté fatale enfermé dans son pré carré, interprété sobrement par Andy Gillet ; Tommy Boatwright le confident, la mouche du coche, joué tout en légèreté avec humour par Brice Michelini.

Comment aujourd’hui ne pas être indigné par de tels comportements, ceux des personnes qui ont le pouvoir de faire avancer entre autres la science. Ces mêmes personnes qui ont peur de poser le nom de « crise sanitaire » sur ce fléau de peur d’affoler la population. Une catastrophe qui deviendra mondiale très rapidement.

Tous les propos tenus dans cette pièce sont véridiques, ils ne peuvent que nous indigner devant un tel mépris vis-à-vis de cette communauté en particulier, de quoi nous glacer le sang : « On est tous des grenades dégoupillées ».
Une maladie toujours d’actualité dont on n’a toujours pas trouvé le vaccin.

 

Une pièce qui déclenche en vous une révolte, une incompréhension, une admiration devant une telle noblesse d’âme.

 

« The Normal Heart » au théâtre La Bruyère, du mercredi au samedi à 21h, matinée le samedi à 17h.

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