« L’affaire de la rue de Lourcine » d’Eugène Labiche au théâtre Lucernaire dans une mise en scène de Justine Vultaggio est un divertissement qui se laisse déguster comme un bonbon acidulé.
Quoi de plus singulier que d’appeler, par les temps qui courent, sa compagnie : « Les Modits » !
Ils sont jeunes, ils sont fous, ils l’ont fait : ils ont conjuré le sort après deux reports dus aux confinements, puisque nous les retrouvons aujourd’hui sur la scène du Lucernaire, pour leur première création, dans une forme étincelante, le verbe haut, le tout dans un rythme endiablé.
L’argument de cette pièce courte, d’une durée d’une heure, est la mise en avant de quiproquos qui vont déclencher des cascades de rires, comme sait si bien les enchaîner Eugène Labiche. Un dramaturge prolifique qui n’a pas, comme Georges Feydeau, son pareil pour se moquer de ses semblables et des petits bourgeois, appuyé par des passages musicaux chantés. Les couplets sont d’une drôlerie (comme par exemple sur la musique de Santiano d’Hugues Aufray), enfin pour ceux qui les écoutent…
Dans ce vaudeville, Oscar Lenglumé, un riche rentier joué comme un jeune cabri bondissant à l’œil pétillant par Oscar Voisin, se réveille avec une gueule de bois carabinée. Ses souvenirs de la soirée très arrosée sont très flous à tel point qu’il ne comprend pas ce que fait un homme dans son lit ; ce dernier encore plus alcoolisé, à la truffe caramélisée, se demande où il a passé la nuit. Antoine Léonard aux yeux de cocker se glisse à merveille dans la peau de ce « Mistingue » déjanté à souhait.
Le lien qui semble les unir est qu’ils réalisent qu’ils ont assisté à un banquet organisé par l’institution Labadens, dont ils sont tous les deux issus.
Alors qu’ils essayent de reconstituer le déroulement de leur beuverie, ils se retrouvent coincés dans l’histoire complètement abracadabrantesque d’une charbonnière à la destinée macabre.
Comment se sortir de cette impasse quand on a une femme qui ne pense qu’au baptême auquel elle doit bientôt assister en compagnie de son mari…
Justine Vultaggio se délecte avec légèreté et dynamisme pour semer le trouble dans ce binôme bancal et mener à la baguette un mari foncièrement dépassé par les évènements.
Elle assure aussi la mise en scène endiablée de cette burlesque comédie.
Pour pimenter un peu l’histoire il y a bien sûr le valet, Justin, qui d’un air joyeux savoure cet enchaînement de situations cocasses, joué par l’œil malicieux de Maxime Seynave.
Et pour clore le tableau de cette peinture de mœurs chère à Labiche, le père qui fait baptiser son enfant, Potar pour les intimes, vient encore plus perturber cette situation extravagante, puisqu’il a tout vu…Gabriel Houdou s’amuse avec légèreté dans ce labyrinthe où la sortie se fait désirer.
Un vaudeville de Labiche qui remplit son contrat avec son comique de situations bien étudié, emporté par les Modits à la composition réjouissante. Nous sommes pris du début à la fin dans cette tornade de l’absurdité qui nous fait passer un agréable moment.
« L’affaire de la rue de Lourcine » au théâtre Lucernaire, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 17h, jusqu’au 23 janvier…mais belle surprise reprise des représentations en avril prochain.