« Béjart fête Maurice » par le Ballet Béjart Lausanne au Palais des Congrès avec les chorégraphies de Gil Roman est l’expression par excellence de la poésie du mouvement qui se prolonge gracieusement jusqu’au bout des doigts.
C’est une invitation au voyage que nous proposent les chorégraphies de Gil Roman avec ses danseurs du Béjart Ballet Lausanne : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. ». Un Charles Baudelaire qui aurait certainement aimé être présent pour cette soirée de folie.
Cela paraît tellement facile de les voir voler dans les airs en pas de deux, de trois, en communion les uns avec les autres, qu’on oublie, en simple spectateur, les heures de travail nécessaires pour obtenir un tel résultat.
Quelle belle récompense, fruit d’un travail intense à la barre, au miroir et au sol, pour ces danseurs qui nous font partager avec amour leur passion, leur raison de vivre.
Les sublimes lumières de Dominique Roman viennent lécher les corps de ces femmes et ces hommes qui expriment avec tendresse, une pointe d’érotisme ou avec violence toutes les images qui ont traversé la tête de Gil Roman, en nous déclarant leur amour.
Un spectacle composé de trois parties.
Dans un premier temps c’est Gil Roman qui déclare son amour à Maurice Béjart avec l’hommage qu’il lui rend dans « T’M et variations ».
Après trente ans de fidélité absolue à son maître et quarante ans de danse ininterrompue, il fut récompensé en 2007 par Maurice Béjart qui le désigna comme son successeur, et quelle succession !
Dix années étaient passées depuis le départ de Maurice Béjart pour les étoiles quand ce ballet fut créé.
L’Amour toujours au cœur de l’action est le thème de ces douze chorégraphies qui vont faire palpiter nos cœurs au son d’une musique interprétée en direct par les excellents percussionnistes Thierry Hochstätter et jB Meier. Mais aussi par une bande son, support de ces variations, de Nick Cave et Warren Ellis.
Deux musiciens qui vont coller, dans une communion totale, au geste près, au pas près, des pas de deux ou trois voire même en solo…
Qu’ils soient assis sur un banc ou qu’ils voltigent dans les airs, nous sommes ébahis par tant de grâce, de beauté délivrées par ces danseurs qui nous dessinent la vie avec ses rêves et la réalité qui la confond : une heure de pur bonheur à lire les pages du journal hommage « T’M ».
Interprétés par : Alanna Archibald, Jasmine Cammarota, Kathleen Thielhelm, Jiayong Sun, Frederico Matetich, Lisa Cano, Fabrice Gallarrague, Javier Casado Suárez, Denovane Victoire, Gabriel Arenas Ruiz, Vito Pansini, Julien Favreau, Mattia Galiotto, Kwinten Guilliams, Masayoshi Onuki, Leroy Mokgatle, Lawrence Rigg, Haydée Herrero Feria, Chiara Posca, Solène Burel, Floriane Bigeon, Carme Andres, Oana Cojocaru, Valerija Frank, Elisabet Ros, Mari Ohashi, Connor Barlow et la compagnie.
Après un court entracte, nous retrouvons les danseurs, hommes et femmes qui se confondent, dans le ballet qui donne son titre de noblesse à la soirée : « Béjart fête Maurice », lui qui aimait tant les organiser.
Gil Roman a opéré une sélection de six moments dans le répertoire de son maître, des séries de pas de deux qui viendront prendre vie au milieu d’autres ballets collégiaux où les pieds nus, et les pointes s’exprimeront sur des musiques qui vont du classique de Beethoven avec sa première symphonie, aux musiques traditionnelles juives et africaines en passant par Rossini et Strauss, allant même pousser la chansonnette avec « Im chambre séparée » de Richard Heuberger.
Une émotion forte, palpable, qui prend aux tripes, nous subjugue par tant de légèreté dans cette fête aux multiples couleurs. Une mise en lumière magnifique des créations du maître qui donnent la chair de poule. Je dois dire que j’ai eu un coup de cœur pour cette fête alliant le classique au contemporain.
Interprétés par : Marie Ohashi, Connor Barlow, Svetlana Siplatova, Hideo Kishimoto, Kwinten Guilliams, Allana Archibald, Antoine Le Moal, Carme Andres, Frederico Matetich, Elisabet Ros, Julien Favreau, Masayoshi Onuki, Jasmine Cammarota, Vito Pansini, Kwinten Guilliams, Leroy Mokgatle et la compagnie.
Puis c’est le moment tant attendu, en tout cas par moi, qui n’avais jamais vu sur scène le Boléro de Ravel revisité et créé à Bruxelles en janvier 1961 par Maurice Béjart.
La danse au sommet de son art. Comme beaucoup d’entre vous, j’avais vu le film de Claude Lelouch « Les uns et les autres » avec Jorge Donn dansant sur le toit de l’arc de triomphe (vu sept fois à la suite). Mais ce soir, en direct, avec toute l’animalité, la passion, la fougue, l’énergie, la sensualité, c’est l’expression d’un grand art, d’un monument gravé à jamais dans l’histoire de la Danse.
Point d’homme pour cette soirée d’ouverture, Julien Favreau est resté dans la coulisse, c’est Elisabet Ros qui tient la barre, le plateau, la table et qui a à ses pieds des hommes en transe, fous d’amour : place à l’humain.
La caractéristique principale de cette œuvre c’est le rythme et le tempo invariables donnés par la mélodie et exaltés par la lumière. Une œuvre érotique au lent crescendo qui explose dans un final éblouissant, orgasmique.
Interprété par : Elisabet Ros pour la mélodie et pour le rythme par Gabriel Arenas Ruiz, Angelo Perfido, Fabrice Gallarrague, Connor Barlow, Jiayong Sun, Mattia Galiotto, Kwinten Guilliams, Masayoshi Onuki, Lawrence Rigg, Vito Pansini, Javier Casado Suárez, Frederico Matetich, Dorian Browne, Denovane Victoire, Wictor Hugo Pedroso, Antoine Le Moal, Leroy Mokgatle et Elias Frantziskonis.
« Ne te retourne pas, avance ! » lui dira un jour Maurice Béjart, aucun doute Gil Roman a retenu la leçon et c’est sur l’immense scène du Palais des Congrès, mettant en valeur tous ses danseurs, qu’il nous propose un spectacle transcendant, incontournable !
« Béjart fête Maurice » au Palais des congrès, à 20h30, jusqu’au 29 février.