« Deux euros vingt » de Marc Fayet au théâtre Rive Gauche dans une mise en scène de José Paul est une pochade bien tournée, ponctuée de rires.
Marc Fayet fidèle en amitié s’est entouré de ses comédiens fétiches et a construit une histoire bien ficelée, aux dialogues qui font mouche à plusieurs reprises.
Une amitié de longue date réunit chaque été pour deux semaines de vacances trois couples : six amis.
Trois couples aux histoires recomposées qui passent outre les défauts de chacun que l’on ne manquera pas d’observer au fur et à mesure de la progression de l’histoire pour notre plus grand plaisir. On rit toujours du malheur des autres, c’est dans la nature humaine !
Cette année l’action se passe dans une maison du midi de la France, avec son chant des cigales.
2€20, une somme bien anodine mais qui pour certains évoquera quelque chose…
Donc quelques pièces représentant la somme de 2€20 se retrouvent abandonnées dans un bol, sur une table, à la vue de tous les vacanciers.
A l’arrivée des couples dans la maison ce sont des pièces qui interpellent, qui font sourire, qui laissent indifférent mais une pulsion de l’un d’entre eux va avoir raison de leur existence !
Et c’est à ce moment là que l’action prend de l’ampleur, chacun fera remarquer à l’autre avec plus ou moins de malice, la disparition des pièces, de quoi alimenter les discussions et faire monter la mayonnaise.
Dès qu’il y a de l’argent en jeu, c’est toujours le même problème, la nature profonde de « l’homme » se réveille et c’est le début des catastrophes…même pour 2€20…
Mais comme dirait Jean Rostand : « Pour être généreux, il faut être riche ou n’avoir rien ».
Entre-temps nos gaillards auront bien profité de leur séjour pour mettre à profit des choix de vie qui nous font rire avec ses fantasmes et ses non-dits saupoudrés d’un peu de lâcheté.
Des parties de tennis entre hommes mettront en exergue le vrai visage des amis tandis que les femmes occupées à leurs courses en feront tout autant.
Des répliques acerbes qui ne manqueront pas de nous satisfaire ou pour certains d’entre nous, nous rappeler des souvenirs.
Le point d’orgue de ces échanges étant naturellement, dans de pareilles occasions, la mauvaise foi dans toute sa splendeur.
Chacun y apportant sa pierre à la construction d’un mur qui pourrait bien les séparer, s’ils ne sont pas plus vigilants…
Au son des quatre saisons d’Antonio Vivaldi arrangées par Virgile Hilaire, la comédie va prendre sa vitesse de croisière jusqu’à son dénouement, avec l’orage qui gronde au lointain, nous dévoilant ainsi qui a pris ces pièces dans le bol. Nous comprendrons alors à quoi elles étaient destinées…
En somme, de quoi remettre une pièce dans le Juke-box et de relancer les engueulades et les rires !
Une alliance de tragédie et de comédie dont Marc Fayet a le secret. Il s’est d’ailleurs amusé par moment à rendre interactive sa comédie, nous prenant ainsi comme témoins au grand étonnement de ses camarades en nous plongeant dans le cœur de l’action.
José Paul habitué à mettre en scène des comédies, notamment celles de Marc Fayet (Molière de la comédie en 2015 avec « Des gens intelligents »), assisté par Delphine Piard, a une nouvelle fois réussi à diriger ses comédiens avec finesse et fluidité, en tirant habilement partie des failles des personnages. Son écoute de la musique des répliques est précieuse pour accorder, mettre au diapason cette troupe dans le décor d’Edouard Laug.
Une comédie bien sympathique, à la détente assurée, qui fait passer un bon moment avec ses six comédiens rompus à l’art de la comédie.
Avec en tête Marc Fayet, qui comme le chat retombe toujours sur ses pattes, mais tout de même premier prix de la mauvaise fois, accompagné par Lysiane Meis, son épouse, délicieuse dans son rôle de femme « soumise » mais pas tant que cela…
Caroline Maillard et Michel Lerousseau, le couple toujours prêt à lancer les piques qui vont susciter la jalousie, l’envie, enfin bref mettre la discorde dans le groupe.
Et puis il y a le gentil dans le sens noble du terme qui malheureusement s’en prend souvent plein la tête en la personne de Gérard Loussine. Il a beau faire pour être complaisant avec chacun de ses amis, il a toujours la réplique maladroite qui se retourne contre lui. Le mieux qu’il puisse faire c’est de la fermer !
Dans le rôle de sa femme, c’est un grand plaisir de retrouver Michèle Garcia dont son sens du détachement, de la rupture, fait mouche à chaque fois. Ses répartis sensées déstabilisent ses amis et alimentent les dommages collatéraux provoqués par la disparition des 2€20.
« Deux euros vingt » au théâtre Rive Gauche, du mardi au samedi à 21h, matinée le dimanche à 15h.