« Donnant donnant » est la première comédie théâtrale très réussie de Fred Proust au théâtre de Paris, salle Réjane, dans une mise en scène d’Anne Bouvier (récompensée d’un Molière pour sa superbe prestation dans « Mademoiselle Molière » Cliquez), sa première comédie également.
Ce petit bijou d’écriture aux répliques courtes qui fusent d’une manière insolente est l’œuvre de Fred Proust, rompu aux séries télé comme « H » ou encore « Caméra café ».
L’action est simple mais les dialogues doivent être percutants, drôles avec une pointe de tendresse et beaucoup d’humour.
Selon la définition du Larousse « Donnant donnant » est une transaction dans laquelle chacune des parties accorde une compensation à l’autre.
Mais d’un autre côté, j’ai toujours en tête une formule que l’on m’a souvent répétée : « bon et con ne commencent pas par la même lettre » : allez savoir pourquoi…
Avant que les festivités, les agapes commencent, nous sommes accueillis par le décor de d’Edouard Laug, un appartement d’un jeune couple qui semble être tout juste parent. Un désordre ordonné, des jouets, vêtements et autres babioles de l’enfant remplissent étagères et autres meubles.
Puis nous entrons dans le vif de l’action, Romain un jeune comédien à l’avenir raté, tout juste intermittent, est le mari de Lucie, dite Lulu, travailleuse dans l’humanitaire en traduisant des documents pour les immigrés. Ils ont un petit garçon de six mois au prénom de Léo.
Un seul salaire fixe pour alimenter la marmite ne suffit plus et provoque des scènes de ménage à répétition dans le couple. Romain doit trouver un emploi au plus vite.
Quoi de plus naturel que de demander à un vieil ami, Bastien, même si cela fait des années et des années qu’ils ne se sont pas vus, de l’aide, de lui obtenir un poste dans sa société, lui qui a brillamment réussi dans le domaine de la publicité.
Il suffit donc tout simplement d’organiser un repas entre amis et de poser la question. Romain et surtout Lulu ne voient pas pourquoi Bastien refuserait leur demande, au demeurant très facile à accepter pour un riche publicitaire.
Mais la soirée ne se déroule pas tout à fait comme prévu. Bastien, homme à femmes par définition, accompagné de sa dernière conquête, Isabelle, a lui aussi une requête, un petit service, à formuler auprès du jeune couple.
Un service des plus personnels qui demande beaucoup de réflexion, pour au final être accepté ou refusé ?
Bien légitimement cela nous appelle à notre propre réflexion : que ferions-nous dans ce cas là ? Quelles sont les limites de ce qui est acceptable par amitié ?
D’où le « Donnant donnant », eh bien oui il n’y a pas de raison que les uns soient plus avantagés que les autres.
Anne Bouvier a mis en scène cette comédie d’une façon magistrale. Elle a tricoté cette partition comme de la dentelle fine, où chaque réplique est dite d’un ton juste, où chaque geste, mimique, silence, regard ou soupir a son importance.
Dans ce domaine Loïc Legendre, mon coup de cœur, dans le rôle de Romain excelle. Son jeu d’une incroyable précision transporte les spectateurs dans des rires communicatifs. Un Romain dont la bonté, la gentillesse, pourraient bien le perdre non seulement aux yeux de ses amis mais aussi de sa femme, qui lasse de ses hésitations, de ses manques d’initiatives pourrait bien aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
Marie Fugain joue cette mère attentive, proche de son enfant, qui lui pardonne son manque d’ambition, tout en lui reprochant son immaturité. Un joyeux trait d’union dans cette soirée très particulière.
Le couple d’amis n’est pas en reste. Juliette Meyniac dans le rôle d’Isabelle est une femme douce, aux formules et demandes simples. Bien dans sa vie, il ne lui manque pas grand-chose pour être comblée. Une douceur, une bienveillance, bienvenues dans cette tumultueuse soirée.
A ses côtés, Bastien est joué par Arnaud Gidoin. On peut tout naturellement se demander, en l’écoutant parler, ce qu’elle peut lui trouver. Mais ne dit-on pas que l’amour rend aveugle !?
Bastien est d’une suffisance, d’un cynisme, qui donne envie de lui filer des baffes à chaque réplique, lui qui débite ses jeux de mots, plus ou moins pourris, comme on dit bonjour. Mais soyons honnêtes, il nous fait beaucoup rire, un brin attachant, car sadiques nous aimons rire du malheur des autres surtout quand il est joué avec sincérité.
Notre quatuor est sincère, humain, et accroche notre attention pour savoir comment ils vont pouvoir se dépêtrer de cette situation ubuesque.
Une comédie bien troussée, bien construite, bien mise en scène et très bien jouée.
Un peu de fraîcheur dans le rire ne fait pas de mal et vous auriez tort de vous priver d’une belle soirée en perspective.
« Donnant donnant » au théâtre de Paris, salle Réjane, du mardi au samedi à 20h30, matinée le samedi à 17h et le dimanche à 15h, jusqu’au 05 janvier.