« Jo », tiré de la pièce « The Gazebo » de l’américain Alec Coppel, adapté et mis en scène par Benjamin Guillard au théâtre du Gymnase est une comédie de boulevard policière qui fleure bon la terre fraîche, le cadavre, saupoudrée de beaucoup de rires.
Très loin dans ma mémoire, le film avec Louis de Funès n’a donc pas influencé ma vision de la pièce présentée dans une nouvelle adaptation très réussie (précédemment par Claude Magnier), ni celle avec Jean Lefebvre, et servie par dix comédiens très heureux de partager avec le public plus d’une heure et demie de rires.
Le couple Brisebard est dans la tourmente, le mari Antoine est victime d’un maître-chanteur Jo qui menace de dévoiler le passé sulfureux de sa femme Sylvie, quelque peu originale…
Lui est auteur de pièces à succès, elle comédienne : Antoine doit à tout prix sauver l’honneur de sa femme et la construction d’une pièce policière commence à germer dans sa tête pour l’éliminer. Avec l’aide de son ami avocat, le suspens est à son comble, nous sommes dans le noir et il met en pratique ses idées en répétant dans son salon, la scène du crime.
Malheureusement à l’heure H, le plan bien échafaudé ne se déroule pas comme prévu et Antoine Brisebard élimine celui qu’il pensait être Jo.
L’inspecteur Ducros fait son entrée dans la place et annonce tout de go à Antoine Brisebard qu’un certain Jo a été tué et que le couple était sur une liste du maître-chanteur…
Commence alors pour Antoine, une folle course poursuite pour faire disparaitre ce cadavre encombrant, connaître son identité et gérer la multitude de visiteurs farfelus qui viennent à son domicile perturber son enquête. Il nage dans un véritable cauchemar.
Didier Bourdon est très à l’aise dans le rôle d’Antoine, il donne son souffle et son énergie avec assurance pour sortir son couple de l’ornière. Il a le bon dosage dans ses facéties et est très convaincant dans la peau de cet homme complètement dépassé par les événements.
A ses côtés Audrey Fleurot, qui m’a charmé dans le rôle de sa femme Sylvie, est très espiègle, impayable dans les bouffonneries. Elle est un élément moteur, vif et très drôle dans son tour de chant : une très belle composition qui fait énormément rire.
Dominique Pinon avec son regard de chien battu dans le rôle de l’inspecteur relance sans cesse la machine à en faire perdre la tête d’Antoine et parsème de touches d’humour cette enquête en se demandant s’il n’est pas tombé dans une maison de fous ?
Gravite autour de ce trio, des personnages hauts en couleurs, comme l’ami avocat joué par Jérôme Anger (qui a triomphé cet été à Avignon dans la création de Tristan Petitgirard : « Des plans sur la comète »), l’ami de la voix de la sagesse…il y aussi l’excentrique belle-mère qui tombe toujours comme un cheveu dans la soupe à chacune de ses apparitions, jouée par la comique Bernadette Le Saché.
Le maçon entrepreneur Didier Brice qui m’avait séduit dans son rôle du mari transi d’amour dans « En attendant Bojangles » n’est pas en reste pour mettre son grain de sel et enrayer le plan d’Antoine.
Jennie-Anne Walker joue un agent immobilier à l’accent jubilatoire, ses passages en compagnie de ses clients qui viennent visiter pensent-ils une banale demeure, sont des moments d’anthologie.
Complètent cette belle distribution : Guillaume Briat, Clotilde Daniault et Grégory Quidel.
Dans des superbes décors de Jean Hass, un habitué dans ce domaine, Benjamin Guillard, novice dans les comédies, a réalisé une très bonne adaptation de ce monument du comique et sa mise en scène au service de l’action est très fluide, efficace et précise. Ses intermèdes devant le rideau sont une belle trouvaille et permettent des changements de décors en restant dans sa fluidité. Il s’est autant amusé que ses comédiens dans cette comédie et nous public nous sommes preneurs. Il a apporté son grain de folie dans cette entreprise périlleuse et a visé dans le mille avec son 6,35 : une très belle réussite.
« Jo » au théâtre du Gymnase, du mardi au samedi à 21h, matinée le samedi à 16h, jusqu’au 10 novembre.