« Palace » dans une adaptation et mise en scène de Jean-Michel Ribes et de son complice Jean-Marie Gourio au théâtre de Paris, est le pari fou et réussi de monter sur scène la série culte de Canal+, sans la dénaturer.
L’aventure, c’est l’aventure, tout commence en 1974 où j’ai découvert le déjà iconoclaste Jean-Michel Ribes avec sa pièce « L’Odyssée pour une tasse de thé » au théâtre de la Ville, dirigé à l’époque par Jean Mercure.
Une pièce qui marqua mon adolescence et dans laquelle je vois encore Claude Véga. Une pièce qui me conforta dans l’envie de faire du théâtre et qui me fit suivre un auteur à la réplique, à l’humour irrévérencieux qui provoque, dérange, délecte nos oreilles et nos yeux. Un auteur avec des idées, de la conception, des parodies, de l’écriture rigoureuse : ses veines d’homme de théâtre.
Un esprit novateur, un talent conservé toutes ces années jusqu’à « Palace » et son adaptation au théâtre.
Assis confortablement dans notre fauteuil, quelques minutes avant le lever du rideau, comment ne pas avoir dans la tête les images de Jacqueline Maillan, Philippe Khorsand, Claude Piéplu, Marcel Philippot ou encore Valérie Lemercier qui marquèrent cette série…l’angoisse d’être déçu.
Et puis, le rideau se lève dans un silence total, et après la célèbre tirade « Appelez-moi le directeur ! » qui donne le ton de cette nouvelle aventure, c’est la musique du générique qui nous met tout de suite dans l’ambiance. Un feu d’artifice de près de deux heures dans un rythme très soutenu.
Une musique quelque peu joyeusement « dépoussiérée » de Germinal Tenas. Un dinosaure de l’équipe de la création qui a signé également, à la seconde près pour le tempo de la pièce, toutes les nouvelles musiques de ce Palace : une très belle réussite.
Des musiques qui nous émoustillent, qui nous font rêver, des musiques qui coordonnent les changements de tableaux des superbes décors de Patrick Dutertre et des splendides costumes de Juliette Chanaud dans une mise en scène colorée, réglée au cordeau par Jean-Michel Ribes. Pas moins de neuf techniciens sur le plateau pour assurer le bon déroulement des figures imposées de ce Palace.
Un nouveau dans la bande de Ribes et Gourio, très remarqué dans l’univers de la danse, a signé les enchanteresses chorégraphies de ce Palace, en la personne de Stéphane Jarny.
On oublie tout et on se laisse porter avec ce nouvel équipage qui nous embarque dans le paquebot Palace, lieu de la satire des grands hôtels où règnent les choses de l’esprit, la courtoisie et le luxe raffiné, le smoking et la robe de soirée, les répliques sucrées, acides, les sketches mêlant les cultes, et les nouveautés, avec un rappel sur l’actualité, comme par exemple le réchauffement climatique ou les migrants. Un monde où les riches sont toujours riches et les pauvres toujours pauvres.
Un Palace où chacun en prend pour son grade avec ses personnages clés comme Lady Palace, le directeur, le râleur devenu une râleuse, le groom Palace, l’homme aux clés d’or et tant d’autres.
Rien n’est laissé au hasard pour nous séduire dans ce voyage en première classe.
Un comique de l’absurde retravaillé, accompagné d’énormités de Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio, tout en conservant des sketches cultes de Rollin, Topor, Wolinski, entre autres. Un comique en deuxième lecture qui porte à réflexion. Un comique qui vous lance une bouée de sauvetage pour échapper le temps d’une soirée à la réalité de notre monde.
C’est une distribution de premier plan, une troupe composée de 20 comédiens qui fait merveille dans ce Palace. Impossible de tous les citer, seul Philippe Magnan est le rescapé de la création.
Karina Marimon qui m’avait fait énormément rire dans la pièce « Le jardin d’Alphonse » de Didier Caron au théâtre Michel ; elle lève le voile avec panache sur ce Palace avec son « Appelez-moi le directeur ! », vous l’aurez compris, elle est la râleuse. Christian Pereira, un habitué de l’univers absurde des « brèves de comptoirs » est très à l’aise dans ce Palace avec ses clés d’or. Joséphine de Meaux relève haut la main le défi en jouant avec beaucoup de finesse la Lady Palace. Eric Verdin est désopilant dans la scène de la « partie fine ». Philippe Vieux, en directeur du Palace, nous ravit avec son univers lunaire. Gwendal Marimoutou à la souplesse d’un félin est la voix d’or de ce Palace et Mikaël Halimi et Simon Parmentier sont deux belles révélations dans Zip et Zap.
Salim Bagayoko, Salomé Diénis Meulien, Magali Lange, Jocelyn Laurent, Coline Omasson, Thibaut Orsoni, Alexie Ribes, Rodolphe Sand, Emmanuelle Seguin, Anne-Elodie Sorlin et Alexandra Trovato complètent cette éclatante distribution.
Aujourd’hui, il n’y a que le théâtre subventionné, comme la Comédie Française par exemple qui peut mettre sur scène une si imposante distribution.
Eh bien félicitations et merci à Richard Caillat et Stéphane Hillel, directeurs du théâtre de Paris, d’avoir eu l’audace de rendre possible un tel projet.
Bien sûr il y aura toujours des grincheux, qui parfois n’étaient même pas nés à la création de la série ou tout juste dans les jupes de leurs mères pour critiquer, pour dire que c’était mieux avant, comme l’a si bien montré Michèle Bernier dans son dernier spectacle.
Bien sûr tout est perfectible, mais la beauté, la magie du théâtre, c’est de voir à un instant T un spectacle avec ses qualités et ses défauts.
Alors si vous êtes adeptes de l’humour de Ribes et Gourio n’hésitez pas, foncez vous divertir en allant voir cette adaptation très réussie de Palace !
« Palace » au théâtre de Paris, du mardi au samedi à 20h30, matinée le dimanche à 15h30.