« C’est pas le bon moment » de Frédéric Tokarz, qui cosigne également la mise en scène avec Nicolas Lartigue à la Manufacture des Abbesses, est une pièce douce-amère sur l’Amour dans les sphères du temps.
Des vies bousculées, des vies bouleversées, le temps qui passe et qui dessine son parcours au travers des aléas de la vie.
Certes la vie n’est pas un long fleuve tranquille, comme le dit la formule, mais encore faut-il prendre les bonnes décisions au bon moment. Et pour les parents, protecteurs à souhait de leurs progénitures, ce n’est jamais le bon moment, forts de leurs expériences : expérience, vous avez dit expérience !?
Alors le bon moment : c’est quand ?
Aux innocents les mains pleines, aux innocents l’Amour. Ne pas se poser de questions, vivre au jour le jour et découvrir les joies de cette ivresse. Tel est le credo de ces enfants à qui tout sourit.
Ils sont étudiants, ils s’aiment, ils ne se posent pas de question. Un amour qui les réunit sous le même toit, un amour qui les unit, un amour qui donne naissance à la vie, un amour qui traverse toutes les épreuves et qui voyage au gré de leurs envies. Mais surtout entourés de parents dont leurs vies laissent à désirer : qu’en ont-ils fait ? Qui sont les enfants ?
La fille, la femme, a pour parents une mère Zoé, jouée par la combattante Elsa Pasquier, une mère révolutionnaire, à la fierté à fleur de peau, qui ne veut être redevable en rien de son prochain et surtout pas des parents de son futur gendre. Le père est « absent » ayant abandonné sa fille en bas âge. C’est un beau-père qui l’a élevée, joué par l’auteur lui-même, Frédéric Tokarz, mais un beau-père lunaire qui s’est pris les pieds dans la spirale infernale de l’échec, en premier lieu professionnel.
Une fille qui a trouvé refuge dans l’amour.
Et puis, il y a le fils, l’homme, entouré par des parents à cent lieux de ceux de sa promise. Le père, joué par Jean-Michel Lahmi avec une bonne humeur salvatrice, un cadre optimiste obsédé par la réussite sociale, obligé de travailler et travailler pour payer toutes les factures de ce petit monde qui profite bien de la situation. Il échappe comme il peut à sa condition tout en finissant par se faire rattraper par son destin. La mère, l’archétype de la bourgeoise en mal de vie, délaissée, en mal d’amour, jouée tout en fantaisie, en légèreté maîtrisée, par Christine Anglio, se raccroche aux branches de l’arbre de l’espérance aux multiples visages.
Des parents qui se côtoient, bien malgré eux, qui se crachent à la figure des vérités trop longtemps enfouies dans la rancœur. Des parents qui ont raté leurs vies, qui communiquent via l’autre entité.
Le décor tout en images projetées de Laurent Martini donne de la lumière à la sobriété de la mise en scène de Nicolas Lartigue et Frédéric Tokarz et du jeu des comédiens. Des séquences projetées qui donnent des instants de vie permettant la réflexion, non sans des pointes d’humour réconfortantes.
Vivre l’instant présent : mais que la vie est belle !
« C’est pas le bon moment » à la Manufacture des Abbesses, du dimanche au mercredi à 21h.