« Hiroshima mon amour » d’après le scénario écrit par Marguerite Duras pour le film d’Alain Resnais s’arrête pour une courte série de représentations au théâtre des Bouffes Parisiens, adapté et mis en scène par Bertrand Marcos : une déchirante histoire d’amour portée jusqu’au bout des cils par Fanny Ardant.
Dans la pénombre apparaît lentement, avec un pas hésitant, une femme vêtue de noir sur la musique d’Astor Piazzolla qui appelle au rêve, au songe : Oblivion.
Musique que je ne me lasse pas d’écouter dans la version du CD de Camille Berthollet, au violon, accompagnée de Gautier Capuçon au violoncelle. Une musique fil conducteur qui sera plus tard interprétée dans une version piano.
Fanny Ardant c’est d’abord une voix et un phrasé particuliers, reconnaissables entre tous. Quoi de rêver mieux que de l’écouter dire avec sobriété le texte de Marguerite Duras, nous raconter ses histoires d’Amour sur fond de guerre, l’une brûlante d’un souvenir impérissable et l’autre l’éphémère d’une rencontre de quelques heures.
Une voix qui efface les imperfections techniques, qui efface les bruits des bouteilles d’eau qui se ferment et s’ouvrent pendant tout le spectacle, dans une salle à la chaleur étouffante.
Un malaise perceptible, évocation de la chaleur d’Hiroshima, de cette bombe qui en quelques secondes renversa le cours du destin.
Une femme venue tourner un film sur la paix quelques années après cette catastrophe et qui s’éprend d’un japonais.
Une courte liaison qui lui laissera le temps d’évoquer son immense amour pour un soldat allemand rencontré en France : un poème d’amour déchirant à la mémoire vivante.
Fanny Ardant à la fois douce, fragile et lionne, dans un duo imaginaire avec la voix de Gérard Depardieu, évoque d’une manière singulière ses souvenirs.
Cette provinciale de Nevers qui à la libération fut tondue pour avoir aimé un allemand. Un amour fort, résonnant encore dans sa mémoire, un amour qu’il faut garder intact, un amour qui appelle à la réconciliation, un amour qui balaye tous les préjugés.
Bertrand Marcos a situé sa mise en scène dans le dépouillement, un plateau aux tentures noires, un fauteuil noir, et sa comédienne dans une robe noire. La couleur est donnée par le récit et par la voix de Fanny Ardant.
Il a décidé de la laisser seule sur scène pour faire entendre le texte pour ce qu’il est en laissant libre cours à notre imaginaire.
Elle s’approprie cette immense scène en foulant le sol, en caressant le fauteuil et en s’imprégnant du sol en s’allongeant sur des lumières caressantes de Patrick Clitus.
Elle vit intensément son travail de mémoire et ne lâche rien même quand Gérard Depardieu ne cesse de lui répéter qu’à Hiroshima elle n’a rien vu alors qu’au contraire elle lui répond avoir tout vu, Nevers n’y faisant rien.
Fanny Ardant joue un moment intense, grave, puis son sourire final est un bonheur, bonheur d’avoir partagé avec cette immense actrice de bien trop courtes minutes, prolongées par de nombreux rappels et clos par une « standing ovation ».
Un sourire qui à lui seul vaut tout l’or du monde.
« Hiroshima mon amour » au théâtre des Bouffes Parisiens, du mercredi au samedi à 20h et matinée le dimanche à 15h, jusqu’au 07 juillet.