Jeanne…pour l’instant

 

« Jeanne…pour l’instant » de Nicole Choukroun au café-théâtre l’Azile de La Rochelle dans une mise en scène de Claire Massabo est un conflit entre la comédienne et le personnage via le prisme d’une petite vieille remplie de malice et pas avare de répliques.

 

Nous entrons dans un univers pas souvent exploité, celui de l’emprise du personnage sur la comédienne ou l’inverse.

Avec beaucoup de plaisanterie, dans un corps sinueux, à la souplesse bienveillante, Jeanne nous dévoile les travers de sa vie, de son existence.

L’amour de sa vie, Raymond, que l’on pourrait croiser sur notre chemin, est l’étoile qui la guide chaque jour.

Seulement voilà la comédienne décide de mettre un terme à leur collaboration et commence cette entrevue par la mort du personnage sur scène, mise en musique par la puissance et la sensibilité de Mozart.

On peut aussi se demander pourquoi vouloir la faire disparaître puisqu’elle n’a qu’une envie : être sur scène devant son public.

Bien mal lui en a pris, le personnage résiste, préfère la vie, se dresse tel le Commandeur et nous conte son histoire au risque de se faire rappeler à l’ordre par la comédienne qui n’hésite pas à la mettre au piquet, comme une petite fille qui serait punie pour ses bêtises, ses enfantillages : non mais qui commande !?

Voilà la problématique est lancée, qui va gagner cette partie de ping-pong ?

Jeanne, très bavarde, pour gagner notre confiance, n’hésite pas à déclamer des alexandrins, des vers d’Eschyle, de la prose de Dario Fo et même de la poésie de Pessoa. Le tout dans une conviction certaine qui nous laisse dubitatifs, est-ce Jeanne ou la comédienne qui s’exprime ?

Et nous « public » serons pris à partie pour arbitrer ce match, rôle difficile tant chacune dévoile ses atouts, ses rêves, avec beaucoup de charme.

D’ailleurs cette scène, cet espace scénique sont-ils réels ? Qui parle ?

Elle libère sa parole et nous entretient aussi bien sur les sujets d’actualité que sur ses souvenirs où son Raymond est très présent.

« Rêve, doute et gloire » un trio qui en dit long pour une Jeanne naturelle et spontanée qui pourrait très bien s’inviter chez vous pour y faire la conversation à l’heure du thé, de plus elle apporterait ses petits biscuits…

Elle serait comme un poisson dans l’eau au milieu de vos convives.

 

Nicole Choukroun enfile son costume de Jeanne avec un réel plaisir, un plaisir qu’elle partage dans une belle générosité avec les spectateurs, qu’elle considère comme ses amis. Sa sagesse est aussi grande que celle de Jeanne, elle nous fait rire autant qu’elle nous émeut.

 

Claire Massabo a mis en scène cette Jeanne avec beaucoup d’humour, de délicatesse et d’espièglerie ; jouant sur un fil, sur la frontière entre le personnage et la comédienne.

Jeanne pour l’instant….et elle nous quitte sur des notes de Barbara : « Ma plus belle histoire d’amour…c’est vous ». Merci Jeanne !

 

« Jeanne…pour l’instant », café-théâtre l’Azile, 3 et 4 mai à 21h.